Ellen Rogers : mystique, poetique et tout argentique !

Photographe de mode londonienne de 28 ans, Ellen Rogers consacre son œuvre personnelle à la « recherche psychologique et à la stimulation de l’esprit », de manière créative et « tout argentique » s’il vous plait ! Son premier livre intitulé « Aberrant necropolis » est paru l’année dernière. Elle travaille actuellement sur un nouveau projet qui devrait voir le jour à la rentrée 2013.


ellen rogers self-portrait

Les images d’Ellen Rogers semblent parfois sorties d’un livre de photographies d’avant-guerre, tant le procédé de développement est artisanal et la composition efficace. Mais à y regarder de plus près, dès que la couleur entre en scène, c’est un monde étrange qui s’offre au regard. La jeune photographe navigue sans cesse entre occultisme et spiritualité, entre poésie et théâtralité. L’atmosphère  mystique qu’elle évoque ne peut laisser indifférent. Et c’est tant mieux ! Car son credo c’est la stimulation de l’esprit.

Que des portraits. Quasiment toujours des femmes, dont le regard semble être un élément essentiel de la composition. Inspirée par l’Histoire, ça série « 1888 », est une allégorie de la souffrance des ouvrières des manufactures d’allumettes à Londres à la fin du 19éme Siècle. La grève qui en avait résulté marqua profondément l’histoire sociale britannique. Le premier mouvement mené par des ouvrières sans qualification. Si un photographe avait pu saisir la douleur de ces femmes, le résultat aurait certainement été très proche des clichés d’Ellen Rogers.

Plus loin, la série « Leaf Room», littéralement « la chambre des feuilles ». C’est le nom donné à l’une des premières expériences psychologiques, menée dans les années 50, pour tester les effets du LSD sur la perception humaine. Ici, l’artiste a encore choisi de mettre en scène des femmes, quasi totalement dénudées, mais affublées de masques, de coiffures ou d’accessoires évoquant le désordre psychique provoqué par l’absorption de la drogue. Des portraits, réalisés dans une pièce sombre, tapissée de feuilles au milieu de laquelle le modèle est attaché à une poulie, parfois dans une position qui n’est pas sans évoquer celle du Christ sur sa croix. Certains plans très serrés dénotent avec le reste de la série, dont l’artiste justifie l’utilisation « l’intention des gros plans était d’illustrer le déclin de la santé mentale et le bien-être des patients ayant subi ce traitement ».

À première vue, il est difficile de trouver une quelconque influence dans le style d’Ellen Rogers, tant celui-ci est singulier. Interrogée pour le blog de Pagan Poetry, l’artiste donne cependant quelques pistes, « Félicien Rops est quelqu’un que j’ai suivi avec attention, il est pour moi le pont entre la pornographie et l’art. C’est un pont subjectif, mais c’est le mien malgré tout. Il reconnaît ses limites et apprécie leur sens tout en célébrant l’idée de la pornographie, les lumières, la décadence, l’occultisme et tout ça en gardant sa composition et ses compétences tout à fait sans compromis. Il a été maître de son art. » Peu étonnant que certains de ses clichés évoquent les estampes pornographiques du début du 20éme Siècle. Mais ses influences ne s’arrêtent pas là « Je suis influencé par l’histoire et la psychologie, les sciences occultes, la religion, et des auteurs comme Mark Danielewski Z, Iain Banks, Robert Chambers, HP Lovecraft » confiait-elle à Lomography.com.

Ellen RogersFille d’un pilote moto reconverti en photographe de circuits, Ellen Rogers baigne dans les bacs de révélateur depuis son plus jeune âge. « J’ai appris à développer des films E6 et noir et blanc à l’âge de 6 ans » s’amuse-t-elle, « mon premier appareil photo officiel était un Yashica Mat, donné pour mon premier anniversaire ».

Passion pour l’image chevillée au corps, c’est tout naturellement qu’elle obtient une maîtrise de photographie en 2007. Elle partage aujourd’hui son temps entre les prises de vues pour les magazines de mode et ses travaux personnels. Elle collabore également avec de nombreux créateurs de mode tels que Charlotte Olympia, Piers Atkinson, Sorcha O’Raghallaigh ou Maria Francesca Pepe.

Photographe « tout argentique » comme elle aime à se définir, Ellen Rogers, obtient de tels résultats grâce des expérimentations de développement qu’elle met elle-même au point et qu’elle garde secrètement. N’allez surtout pas lui parler de Photoshop ou autre Instagram, sa passion pour l’argentique et les procédés traditionnels de développement confinent à l’obsession. Elle n’est d’ailleurs jamais passée au numérique.

Son premier livre, intitulé « Aberrant Necropolis » est paru en 2012. Il retrace son travail effectué entre 2008 et 2010. L’artiste travaille actuellement sur un nouveau projet, avec un styliste, et son compagnon Prizme qui réalise notamment les bandes sons de ses projets. Une artiste à découvrir ou à redécouvrir, mais surtout à suivre de près.

Hassen Medini

Pour entrer dans le monde mystique d’Ellen Rogers, découvrez le trailer de la série The Dissolution, mis en musique par Prizme :